Bilan de la réforme des retraites
Ce qui s’est passé jusqu’à aujourd’hui
Périmètre de la réforme des retraites
Le texte a été présenté au Conseil des ministres du 23 janvier 2023. Il s’agit en réalité d’un PLFSS ou « projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 ». La réforme des retraites n’est qu’un « cavalier », introduit dans ce projet de loi plus général. C’est cette astuce qui a permis au gouvernement d’avoir recours au 47-1, c’est-à-dire d’imposer une durée maximum aux débats à l’assemblée.
Le chapitre sur la réforme des retraites en précise le périmètre “La réforme repose sur un décalage de l’âge d’ouverture des droits au rythme de trois mois par génération à compter de septembre 2023 (avec un maintien à soixante-deux ans de l’âge de départ pour les personnes reconnues invalides ou inaptes) et une accélération de la réforme Touraine au rythme d’un trimestre par génération. Cette réforme contient également des mesures d’accompagnement de certains publics, notamment concernant les carrières longues, la prise en compte de l’usure professionnelle, les transitions entre emploi et retraite ou la retraite minimale pour les futurs et actuels retraités.”
Tout le reste est reporté à plus tard.
Adoption en 1ère lecture
Le 17 février 2023, le temps imparti étant écoulé sans que les débats soient terminés, le projet a été adopté sans vote par l’Assemblée Nationale, avec toutefois une concession du gouvernement qui repousse l’âge légal de départ de 62 à 64 ans au lieu de 65 initialement.
Plusieurs recours ont été tentés : le RN a déposé une motion référendaire le 6 février (rejetée), et une morion de censure le 15 février (rejetée). Le 3 mars au Sénat, une motion de la gauche demandant un référendum a également été rejetée.
Adoption au Sénat
Le 11 mars 2023, le Sénat a adopté le projet de loi (après que le gouvernement a déclenché le 10 mars la procédure du vote bloqué pour accélérer les débats).
L’âge de départ à 64 ans a été confirmé, ainsi que le relevé du nombre d’annuités nécessaires à 43.
Les modifications introduites par le Sénat concernent un maximum de 43 ans pour les carrières longues commencées entre 20 et 21 ans, la création d’un CDI Séniors, et une surcote (maximum 5%), pour les femmes qui totaliseront plus de 43 annuités en arrivant à l’âge légal de départ. Le Sénat a également demandé le lancement d’une étude sur l’ajout d’une dose de capitalisation collective dans le système par répartition (salariés et employeurs mettent leurs cotisations dans des fonds d’investissement, et au moment de la retraite, l’employé touche une pension liée aux performances passées de ces investissements).
Commission mixte paritaire
Le projet de loi ayant été amendé par le Sénat, il a fallu trouver un accord en commission mixte paritaire pour élaborer un compromis. La composition de cette commission (7 députés et 7 sénateurs) est très favorable au gouvernement, les opposants (Nupes et RN) ne disposant que de 4 sièges en tout.
L’accord conserve les mesures adoptées par le Sénat sur les mères de famille, l’emploi des séniors, et les personnes en incapacité permanente. Un compromis a été trouvé sur les carrières longues.
Adoption définitive
Cet accord a été validé le 16 mars au Sénat par 193 voix, contre 114 et 38 abstentions.
Le projet de loi a été définitivement adopté par l’Assemblée Nationale le 20 mars 2023, suite au recours à l’article 49.3 de la Constitution par le gouvernement. La motion de censure du groupe LIOT a reçu 278 votes favorables, et celle du RN 94, au lieu des 287 requises.
Conseil constitutionnel
Cependant, le Conseil constitutionnel a été saisi, les 21 et 22 mars, par la Première ministre, par le RN et la NUPES, ainsi que par plus de 60 sénateurs de gauche. Le conseil s’est prononcé le 14 avril, validant l’essentiel du texte (dont le report de l’âge de départ à 64 ans), à l’exception de 6 dispositions considérées comme hors sujet dans une loi de finance, dont le CDI sénior et l’index sénior.
La porte est donc ouverte à la promulgation de la loi, à l’exception des articles jugés contraires à la Constitution.
Référendum d’initiative populaire
En parallèle des motions de censure, 252 parlementaires de la NUPES ont lancé le 20 mars un référendum d’initiative partagée (RIP) sur la loi. Si la présidence de l’AN valide le RIP, le Conseil constitutionnel aura un mois pour vérifier le respect du domaine du référendum. Si les conditions sont remplies, le texte du RIP devra recueillir le parrainage d’au moins 4,7 millions de Français au cours des neuf prochains mois, sur un site dédié.
Le Conseil constitutionnel a également rejeté cette demande le 14 avril, mais la NUPES a déposé une nouvelle demande dans la foulée.
Dernières actualités
La loi a été promulguée dès le 14 avril au soir, avec parution au journal officiel le 15. pourtant, les organisations syndicales, affirment que la bataille n’est pas terminée, qu’Emmanuel Macron n’est pas obligé de l’appliquer, et qu’ils ne baisseront pas la garde.
Ce qui a été adopté :
Recul de l’âge légal de départ à la retraite à 64 ans d’ici 2030, durée de cotisation portée à 43 ans dès 2027, petites pensions revalorisées, fin des régimes spéciaux… La réforme des retraites entrera en vigueur le 1er septembre 2023.
Le détail des mesures peut être consulté sur le site gouvernemental.
Les principales nouveautés concernent :
- Augmentation progressive de l’âge légal de départ à la retraite de 62 à 64 ans.
- Accélération de la réforme Touraine avec un allongement de la durée de cotisation de 42 à 43 ans en 2027 au lieu de 2035.
- A défaut de justifier des 43 annuités, l’âge de départ sans décote reste à 67 ans.
- Les trois points précédents s’appliqueront également aux fonctionnaires
- Aménagement du dispositif « carrières longues », pour ceux qui ont commencé à travailler entre 16 et 21 ans, y compris la prise en compte du congé maternité.
- Pour les fonctionnaires comme les infirmiers, aides-soignants, policiers, pompiers, surveillants pénitentiaires, etc., l’âge d’ouverture de leurs droits à retraite est reculé de 57 à 59 ans pour les catégories actives et de 52 à 54 ans pour les catégories super-actives
- Le dispositif de retraite progressive est étendu aux agents publics
- Les victimes d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle pourront partir en retraite pour incapacité à 60 ans (contre 62 ans dans le projet initial). Les travailleurs handicapés pourront partir à compter de 55 ans
- Les mères de famille ayant une carrière complète avant 63 ans partiront à 64 ans, mais avec une surcote pouvant atteindre 5 % de la pension.
- Pour la prise en compte de la pénibilité, la loi fait évoluer le compte professionnel de prévention (C2P), et crée un « fonds d’investissement dans la prévention de l’usure professionnelle ».
- Revalorisation de la retraite minimale à près de 1 200 euros bruts par mois (85% du SMIC net) pour une carrière complète cotisée à temps plein au SMIC. En revanche, les carrières à temps partiel ou hachées sont exclues.
- Pour l’allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA), la condition de résidence en France est portée de 6 à 9 mois.
- Suppression des principaux régimes spéciaux de retraite, pour les nouveaux embauchés seulement. Les marins, l’Opéra de Paris, la Comédie Française, les régimes autonomes des professions libérales et les régimes agricoles ne sont pas réformés.
Note :
La mise en place d’un “index seniors” (dans les entreprises d’au moins 300 salariés, avec obligation de négocier au sujet de l’emploi des seniors si cet indicateur se détériore) a été rejetée par le conseil constitutionnel, de même que l’expérimentation d’un CDI senior pour les chômeurs de longue durée de plus de 60 ans, avec exonération des cotisations familles pendant un an.
Les changements en droits familiaux
Tout le monde s’accorde pour reconnaître la nécessité d’une réforme, mais la loi votée soulève des oppositions très fortes, exacerbées par le passage en force du gouvernement.
Une réforme paramétrique
La discussion s’est cristallisée sur l’ajustement des paramètres techniques que le gouvernement veut faire pour assurer l’équilibre du système à court (et plus ou moins moyen) terme. La motivation n’est pas tant « combien je vais toucher », ni « combien vont toucher nos enfants », mais « combien de temps faudra-t-il que je travaille ?». La discussion sur l’évolution du montant des pensions en période d’inflation est passée sous silence, et rien n’est fait pour rendre le système pérenne à long terme, alors qu’il est menacé par une démographie déclinante.
On avance que la réforme affectera surtout les plus modestes, qui ont commencé à travailler tôt et ont déjà leurs 43 annuités à 62 ans. Pourtant le dispositif carrières longues commence dès 16 ans, et le Sénat a obtenu de prendre en compte les débuts entre 20 et 21 ans. Pour les 20% d’agents publics en catégories dites “actives” et “super-actives” (infirmiers, aides-soignants, policiers, pompiers, surveillants pénitentiaires…), certains pourront partir à 54 ans, d’autres à 58 ou 59 ans. Il y a quelques fois une confusion entre début de carrière précoce et pénibilité.
Le débat se cristallise sur les carrières complètes avant 64 ans, mais il semble que les plus fragilisés soient ceux qui n’auront pas leurs annuités avant 67 ans, et particulièrement les carrières incomplètes ou hachées des femmes.
Les droits familiaux
Beaucoup de bruits circulent sur les droits familiaux, dont la plupart sont infondés. Les seuls changements adoptés à ce jour concernent la prise en compte du congé maternité dans le dispositif « carrières longues », et la surcote pour les mères justifiant d’une carrière complète avant 63 ans. C’est bien de permettre aux mères ayant une carrière complète de partir plus tôt, mais le vrai problème se pose pour les carrières partielles ou hachées.
Le gouvernement avait choisi dès le départ de reporter à plus tard (donc dans une autre loi) la discussion sur les “droits familiaux”. Ils ont promis avant l’été, mais…
Cela concerne les majorations pour enfant, les trimestres pour maternité, etc.
Il en est de même pour la discussion sur les pensions de réversion, reportée à plus tard.
Il faudra donc être vigilants pour que les familles soient respectées, et que l’effort qu’elles font pour la communauté en élevant des enfants soit correctement reconnu.
La question des trimestres supplémentaires par enfant, ou de la prise en compte du congé maternité, a souvent été mal interprétée. Il est vrai que du fait de l’allongement de la durée de cotisation, l’avantage relatif pour les mères est moindre. Mais ces bénéfices ne sont pas destinés à anticiper le départ en retraite, ils ont pour but de compenser le temps passé pour élever des enfants, qui lui ne change pas.
En revanche, les majorations pour enfants sont un vrai problème, car quel que soit le pourcentage de majoration, s’il s’applique à une retraite ridiculement faible il ne majore pas grand-chose. Il faut que cette majoration soit assortie d’un minimum forfaitaire par enfant.
Le gouvernement a annoncé que le COR (conseil d’orientation des retraites) a été saisi de la question des droits familiaux, mais il semble bien que la saisine ne lui soit pas encore parvenue.
Une vraie réforme des retraites doit s’accompagner d’une politique familiale ambitieuse.
Les AFC s’engagent pour un vrai choix, afin que chaque famille puisse accueillir le nombre d’enfants qu’elle souhaite. Une carrière incomplète pour une mère est une chose fréquente, même si ce n’est pas la norme. Les mères ne doivent pas se voir imposer une carrière d’homme, ce qui crée une inégalité entre les femmes avec enfants et celles qui n’ont pas d’enfant et peuvent mener une carrière complète. Les parents attendent un schéma de carrière adapté à leur maternité et leur paternité, pour une vraie harmonisation de la vie professionnelle et de la vie familiale.
La retraite n’est pas un droit acquis dans un système par répartition. Elle est une reconnaissance d’un service rendu à la société, par la solidarité intergénérationnelle d’abord, pour ceux qui ont contribué à verser les pensions des retraites actuelles, et ensuite par la formation de la génération des futurs actifs (éducation des enfants, et contribution à une économie du pays suffisamment saine pour que ces enfants aient de quoi assurer la solidarité générationnelle quand il faudra).
Ce qu’on appelle les « droits familiaux » en matière de retraite est donc intimement lié à la politique familiale. Il est urgent de fonder une politique familiale d’avenir, permettant à chaque famille d’accueillir le nombre d’enfants souhaité, et à la solidarité intergénérationnelle de s’exercer.