28/10/2024

Solidarité interfamiliale : quand les familles s’épaulent

Au quotidien ou dans les moments difficiles, les familles ont beaucoup à s’apporter les unes aux autres. Quelques ingrédients de cette solidarité féconde, tirés des témoignages recueillis par les AFC.

Pendant toutes ses grossesses, Amélie a dû rester alitée, parfois même alors qu’elle emménageait à peine : « À partir du jour où j’apprenais que j’étais enceinte, je devais trouver de l’aide pour les conduites d’école et le début de soirée, en attendant de trouver une jeune fille au pair ». Les services comme Nancy-Accueil, son réseau amical et le bouche-à-oreille ont facilité la mise en place d’une aide précieuse : « Cela m’a donné beaucoup de joie, notamment celle de découvrir des personnes que je n’aurais jamais rencontrées, et j’en ai gardé des amitiés indéfectibles », témoigne-t-elle aujourd’hui. Autour de nous, de nombreux exemples prouvent que l’individualisme de notre société, facteur d’isolement et de détresse sociale, n’est pas une fatalité. Les AFC locales en témoignent elles aussi à chaque fois que, fortes de leur réseau et de leur vocation de lien social, leurs membres se rendent solidaires d’autres familles. Celle de Saint-Quentin-en-Yvelines, a par exemple offert des chèques-cadeaux Carrefour à une maman solo connue de l’une de ses adhérentes, sans revenus et sur le point d’accoucher. avec les mamans du Chantier-Éducation, qui se sont aussi cotisées pour l’aider, l’association s’est retroussée les manches pour offrir un soutien matériel et humain à la jeune maman et à son fi ls aîné. En recueillant les témoignages d’acteurs de cette solidarité interfamiliale, La Vie des AFC a pu en dégager quelques maîtres mots.

Simplicité

« Rendre service à quelqu’un commence par un mot, un sourire », explique Hélène Despaigne, cofondatrice avec Marie-Astrid Goldie de l’association Marraine & Vous, qui met en contact depuis dix ans des familles et des mères célibataires isolées. La simplicité est inscrite au cœur du concept de l’association : « Rompre la solitude de ces mamans grâce à une famille marraine avec qui elles pourront partager des moments simples. » Les familles « ne font rien d’autre que se balader ensemble tout en bavardant avec leurs filleules, les inviter à déjeuner un dimanche, ou leur donner un coup de main au dépourvu ». C’est dans cette simplicité du quotidien que se construit peu à peu cette « enveloppe familiale sécurisante » qui fait tellement défaut aux jeunes mamans que l’association accompagne, puisque celles-ci « n’ont pas toujours de modèle parental sur lequel s’appuyer. »

En Guadeloupe, l’AFC de Saint-François a placé la solidarité entre les familles au cœur de sa mission : distribution de paniers solidaires, participation à la collecte de la banque alimentaire, etc. La hausse de la précarité dans l’archipel n’empêche guère les élans de solidarité, comme l’explique une adhérente, touchée par la simplicité de nombreuses familles qui « loin d’être aisées, estiment évident de donner ce qu’elles peuvent pour d’autres familles se trouvant dans une précarité encore plus grande. » Autour de l’association, « de nombreuses familles s’aident les unes les autres, en toute discrétion et simplicité. »

De la simplicité, il en faut aussi pour demander de l’aide. Amélie s’en est rendu compte à la faveur de ses grossesses alitées, quand elle devait solliciter celle de son entourage : « Je suis assez directe et “rapide” pour entrer en relation et cela peut surprendre, mais je pense que cela invite à avoir plus de simplicité dans nos relations. »

Audace

Il faut parfois savoir sortir de sa réserve et se lancer. Ainsi, Lætitia et son mari, parents de deux filles, n’étaient presque jamais partis en amoureux, leurs familles ne pouvant pas assurer la garde des enfants. Alors la mère de famille a sauté le pas, sur les conseils de sa sœur : « Elle m’a dit : il faut que tu oses demander à d’autres ! J’ai donc sollicité la marraine de l’une, qui était tellement ravie qu’elle m’a même remerciée, et les parents de la meilleure amie de maternelle de mon autre fille, dans le public. Je ne les connaissais pas tant que ça, mais je leur faisais confiance ». Ces derniers l’ont sollicitée à leur tour un
week-end : eux-mêmes n’avaient jamais pris de temps en couple en 14 ans de vie commune. Le papa a  même saisi l’occasion pour demander sa compagne en mariage ! « Ça m’a fait un bien fou », affirme Lætitia. « En osant moi-même, je lui ai permis d’oser ».

« À leur tour, ceux qui rendent service font preuve d’une forme d’audace », témoigne Bertrand Hartman. Ce Lyonnais a fondé, il y a cinq ans, l’association Parents-Vacances, qui met en relation des familles disposées à prêter leur maison secondaire avec des familles défavorisées, en lien avec des partenaires de confiance, comme habitat et humanisme, ou certaines « maisons des familles » (structures accueillant des familles en difficulté), qui se portent garants des vacanciers et Europ Assistance assure le propriétaire et la famille accueillie. Une rencontre est toujours organisée entre les deux familles, au moins en visioconférence.

Une centaine de séjours ont ainsi eu lieu l’été dernier : « Je suis épaté par ces propriétaires qui se mobilisent jusqu’à prêter leur maison », s’émerveille le fondateur. « Pour moi, la fraternité se combine toujours avec une certaine audace : quand on veut être solidaire, on peut donner de l’argent. C’est tout à fait estimable. Mais aller jusqu’à la découverte de l’autre, alors même qu’il est différent de moi, cela m’émerveille, et c’est extrêmement enrichissant pour les uns comme pour les autres ».

L’association Parents-Vacances met en relation des propriétaires désireux de prêter leur résidence secondaire et des familles défavorisées qui n’ont pas les moyens de partir en vacances.

Gratuité

C’est le principe de la solidarité : rendre service est de l’ordre du don. « Cela change tout dans la relation », affirme Atanase Périfan, à l’origine de plusieurs initiatives destinées à renforcer le lien social. Emmeran, lui, a vu se créer autour de lui une immense chaîne de soutien quand son épouse s’est retrouvée hospitalisée de longs mois après un accident grave : « je ne pouvais pas gérer seul, du jour au lendemain, les conduites et la garde de mes enfants, la gestion des courses et des repas, la tenue de la maison… » Outre ses parents et beaux-parents, un réseau d’aide s’est constitué grâce à l’école : « J’apportais mon linge le matin, et je le retrouvais repassé le soir, on m’apportait des repas… ». Une aide précieuse, sans laquelle le jeune papa n’aurait pas tenu : « Entre le quotidien et l’organisation des visites, les dossiers administratifs… je n’arrivais pas à anticiper ». Parmi les coups de main mémorables, cette amie qui s’est chargée d’organiser les visites des proches à l’hôpital, ou encore ces personnes qui se sont proposées pour répondre aux demandes de nouvelles qui affluaient… La fatigue et le stress jouant, le jeune papa n’était pas toujours à même de répondre à toutes les propositions reçues, d’autant qu’elles ne correspondaient pas systématiquement à son besoin du moment. « J’ai peut-être blessé des personnes », se demande-t-il aujourd’hui. dans la situation extrême qui était la sienne, « il peut y avoir une forme de pression sociale à aider », a-t-il aussi parfois ressenti. avec le recul, Emmeran recommande « de ne pas s’offusquer si l’aide n’est pas acceptée ». certains gestes de solidarité n’attendent rien en retour, et sont pourtant tellement féconds, comme ce mot anonyme reçu dans la boîte aux lettres, accompagné d’un paquet de bonbons, qui a mis tellement de baume au cœur du papa et de ses enfants, cette lettre de soutien écrite par une classe entière, ces sourires éloquents ou ces accolades chaleureuses : « Ces marques personnelles de soutien nous faisaient toujours du bien », se souvient-il.

C’est aussi en donnant que l’on reçoit, témoigne Marie-Estelle Créhalet, à l’initiative de l’aide apportée par l’AFC de Saint-Quentin à une maman célibataire en détresse financière : « quand elle venait, cette dame apportait souvent un gâteau, et son fils jouait souvent avec le mien, qui en était très heureux ».

Amitié

Si la solidarité dépasse le cadre de l’amitié, elle en est l’un des formidables leviers, et souvent, l’un de ses fruits. C’est bien à une amitié avec leur filleule que l’association Marraine & Vous appelle les familles qui s’engagent avec elle : « Celle-ci construite en douceur, dans un apprivoisement mutuel, va peu à peu permettre à ces mamans isolées et fragiles de retrouver une confiance et une estime d’elles-mêmes », explique Hélène Despaigne. Pour instaurer une relation amicale dans ce cadre particulier, les familles sont accompagnées par un psychologue et reçoivent une formation à l’écoute pendant deux jours : « Elles apprennent à ne pas être dans une position de sauveur, ou de donneur de conseils, mais à offrir simplement une présence pacifiante ». Pour Marraine & Vous, la présence amicale du papa est importante pour la maman et pour son enfant, à qui elle offre un repère masculin. Qui dit amitié dit aussi fidélité : « C’est l’un des points sur lesquels nous insistons, souligne Hélène Despaigne, car en six mois, on ne fait rien du tout ».

De son côté, Emmeran a puisé dans l’amitié de profondes ressources, pendant les mois où, sous le choc de l’accident de son épouse, il a dû porter seul l’éducation de ses enfants, l’organisation des visites à l’hôpital et la logistique familiale. « Vous avez besoin de prendre des apéros avec vos amis », lui avait conseillé la psychologue de l’hôpital : « Mes amis l’ont prise au mot et m’ont aidé à souffler et à penser à autre chose. Ça m’a fait un bien fou » témoigne Emmeran. Les amis savent dire les choses quand il le faut. À plusieurs reprises, certains lui dont donné des conseils judicieux, allant jusqu’à faire preuve d’une franchise salutaire. « Alors que je recevais encore beaucoup d’aide, mon beau-frère m’a dit un jour qu’il était temps que je reprenne moi-même les choses en main », se souvient-il. « Cette discussion a été très importante pour moi ».

Les AFC, moteurs de l’entraide familiale

Chantiers-Éducation, antennes consommation, bourses aux vêtements, listes partagées de baby-sitters, journées de cohésion familiale : bientôt 120 ans que les AFC agissent pour que grandisse l’entraide entre les familles ! En 2024, la Confédération a dévoilé ses axes stratégiques pour les quatre années à venir, parmi lesquels figure l’axe « AIDER toutes les familles ». À travers ce volet, les AFC réaffirment leur volonté d’écouter les besoins des familles et de leur apporter des soutiens concrets, ponctuels et fraternels. Notamment en élargissant leurs services et par la mise en place d’au moins une action de solidarité et d’une action de convivialité par AFC et par an.

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