Démographie, éducation, les défis de l’Europe pour la famille
La famille en Europe
Antoine Renard et Anna Záborská décryptent les réalités de la famille au niveau européen. Même si l’Union européenne n’a pas de pouvoirs en matière de politique familiale, ils voient les nombreuses possibilités d’action qui peuvent être menées pour influer sur les politiques familiales nationales.
Qui sont-ils ?
- Anna Záborská est une femme politique slovaque, membre du Mouvement chrétien-démocrate. Depuis 2004, elle est députée européenne.
- Antoine Renard est président d’honneur de la FAFCE, administrateur de la CNAFC et ancien président national des AFC.
Dans quelle mesure peut-on dire qu’il y a une économie européenne de la famille ?
Antoine Renard – Il y a surtout une économie européenne productiviste, consumériste, individualiste, dont la famille fait les frais. L’obsession de fournir le marché avec les
produits les moins chers se fait au détriment de la fonction productive. Le chômage de masse, persistant, celui des jeunes comme des seniors est une plaie pour toutes les
familles : il provoque en outre des flux migratoires internes à l’Europe qui séparent les familles et fragilisent les sociétés.
Anna Záborská – Toutes les politiques économiques de l’Union ont un impact sur la vie de la famille. La Commission européenne dans ses propositions examine les avantages pour les jeunes, les travailleurs, les personnes âgées, mais pas pour la famille. Il y a deux raisons à cela : d’abord la définition de la famille relève de la compétence exclusive des États membres. Ensuite, les États membres et l’Union étaient habitués à ignorer l’importance de la famille pour l’économie. Ces dernières années, on commence à en discuter plus sérieusement. certaines décisions de l’UE impactent directement les politiques familiales nationales.
« On ignore donc complètement le non renouvellement des générations. » Antoine Renard
Quelle influence peut-on avoir pour les favoriser ou les déjouer ?
A. Z. – Il y a deux domaines en particulier : la libre circulation des travailleurs et les droits de l’homme. C´est surtout le Parlement européen et le Conseil de l’UE qui ont un impact sur les décisions dans ces domaines. Si le peuple élit des représentants qui tiennent à la famille, il sera possible de créer une forte coalition pro-familiale concentrée sur le family mainstreaming*. Les gouvernements des États membres représentés au Conseil sont aussi importants. L´amélioration du statut des familles européennes passe par le vote des électeurs dans les élections européennes et nationales.
A. R. – D’une part, en raison du contrôle budgétaire qu’elle exerce et des recommandations qu’elle émet, la Commission encourage la baisse des dépenses publiques nationales qui conduit à rogner sur la politique familiale pour endiguer la croissance des dépenses sociales ; d’autre part, les institutions européennes, qui sont compétentes en matière de travail, santé et éducation, prennent régulièrement des décisions qui ont une influence réelle sur la vie quotidienne des familles. Influencer ces décisions relève d’une action continue auprès des instances réceptives : l’Assemblée parlementaire pour le Conseil de l’Europe – où la FAFCE (voir page 8) a un statut participatif – et, pour l’Union européenne, le Parlement européen (où existe un inter-groupe Famille) et le Comité économique et social européen (CESE, voir page 8), représentation de la société civile.
Ont-elles conscience de la chute démographique en Europe ?
A. Z. – Oui, la prise de conscience de l’évolution démographique défavorable a considérablement augmenté ces dernières années. En même temps, il est clair pour tout le monde qu’inverser cette tendance est une tâche de long terme. Par conséquent, l’accent a été mis sur des mesures à court terme qui ne traitent pas les causes mais règlent les conséquences : augmentation de la pression sur l’emploi des femmes, constitution de la silver économie**, recommandations pour renforcer les systèmes
de retraite ou soutenir le déploiement de systèmes de santé en ligne.
« La chose la plus importante est de rendre la famille visible, afin qu’elle soit considérée par les décideurs politiques. » Anna Záborská
A. R. – Le problème démographique européen est double : l’allongement de la durée de vie se traduit par un vieillissement et le taux de fertilité est trop faible. Le premier sujet intéresse les institutions européennes, parce qu’il a une incidence sociale évidente. Mais le second est masqué par les fl ux migratoires, seul facteur assurant une croissance démographique (faible mais réelle) ; on ignore donc complètement le non renouvellement des générations.
Selon vous, quelle doit être l’europe de demain pour que la famille soit plus justement aidée dans son rôle de « cellule de base de la société » ?
A. R. – Une Union européenne favorable à la famille devrait commencer par l’exprimer dans son discours : la famille a d’abord besoin d’être reconnue ; elle devrait ensuite mettre en oeuvre le family mainstreaming. Elle devrait se livrer à des échanges sur les politiques familiales mises en oeuvre par chaque pays et intégrer les droits de la famille dans le socle des droits sociaux.
A. Z. – Pour moi aussi, la chose la plus importante est de rendre la famille visible, afi n qu’elle soit considérée par les décideurs politiques. Cela nous ouvrira la voie vers la prise en considération des besoins de la famille dans l’élaboration des lois européennes ainsi que dans le travail quotidien des institutions et agences européennes exécutives.
* Consiste à mesurer l’effet sur la famille des décisions envisagées
** Secteur d’activités qui regroupe toutes les activités économiques liées au grand âge
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